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bruno se lance
30 avril 2021

Fin de la conversation

J’espère que cet article vous inspirera un souvenir aussi fort que le mien (Le piège des conversations).

Il y a quelques jours, j'ai critiqué un article dans Cerveau&Psycho n° 131 qui ne m'avait pas plu. C'est rare, je suis plutôt satisfait de tout ce que j'y lis. Voici un article dans le n° 132 qui m'inspire un sacré souvenir. Il s'agit de l'impossibilité de savoir exactement quand une conversation s'arrête.

Mon fameux souvenir remonte à mars 1993. J'étais analyste-programmeur à Cap Sesa du groupe Cap-Gemini. En mission depuis un an au PMU, je m'y trouvais bien alors j'avais engagé depuis quelques mois une candidature en interne qui était prometteuse. Malheureusement le directeur général du PMU, au dessus du directeur informatique pour lequel je travaillais, était en cours de recrutement. Ce directeur informatique, Monsieur Phillips, était exceptionnel. Exigeant et humain, avec une mémoire phénoménale et une taille d'ancien internationnal universitaire de basquet (quand il vous disait bonjour, sa main entourait littéralement la vôtre), il se comportait comme un dirigeant de PME pour son service informatique. Pendant la longue période de mon recrutement, Cap Sesa a décidé nationalement de licencier plus de 400 ingénieurs. Je faisais partie de la "valise". Tous les licenciés ont été informés le même jour, ainsi que les clients où nous étions en mission. Le directeur informatique du PMU était désemparé. Du jour au lendemain, sans prévenir, une missive signalait l'absence du prestataire et l'arrêt de la mission. Nous étions mis en préavis de licenciement, 3 mois payés non effectués et en recherche active de nouveau poste, accompagnés par un grand cabinet RH, mais surtout avec interdiction formelle de fréquenter les locaux de Cap Sesa ainsi que ceux des clients. Ils avaient bien imaginé que nous pouvions leur faire une "publicité d'enfer". Monsieur Phillips était offusqué, car je m'étais si bien intégré que j'étais plutôt devenu indispensable aux projets en cours. J'ai convenu le jour même avec lui que je prenais une semaine de disponibilité pour suivre le processus de Cap Sesa mais qu'ensuite je viendrai continuer mes fonctions gratuitement en attendant mon recrutement. Question sécurité administrative, Monsieur Phillips m'a fait engager 2 mois en CDD par un autre prestataire du PMU (une PME avec un seul directeur-ingénieur). C'était le contexte, voici la conversation courant avril 1993, donc environ 1 mois après l'annonce des licenciements.

Je suis convoqué par mon directeur d'agence de Cap Sesa, sans aucune précision du pourquoi de cette réunion. Je m'y présente, je me retrouve face à lui dans son grand bureau (locaux chics avenue de l'Université à Paris). Il est cordial mais sec et préoccupé. On s'assoie et tout de go, il me menace de licenciement pour faute. Sans me demander comment je vis cette période de préavis de licenciement, il m'annonce qu'il sait que je fréquence les locaux du PMU alors que c'est interdit par la convention de licenciement. Il sait que je continue ma mission et il me demande de fournir toutes les dates et les heures de mes présences au PMU. J'ai pu dire quelques mots et mentir en lui disant que je n'étais passé au PMU que pour prendre quelques affaires et que je n'avais rien à lui donner. Après-tout ils m'ont cassé mon projet d'embauche par le PMU qui a profité de ma nouvelle situation pour me proposer un contrat en diminution (statut et salaire). Comme il constate que je résiste à ses injonctions, il m'annonce qu'il va être honnête avec moi et il rajoute alors qu'ils ont lancé une action en justice auprès des impôts pour me condamner car ils supposent que je me fais payer mes prestations. Comme il ne sait pas que j'étais en pourparler d'embauche et que j'ai continué ma mission gratuitement (je n'ai pas encore le CDD de la PME car c'est un peu long pour le PMU), il se sent en force pour me "briser". En tremblant un peu, j'ai eu une riposte géniale. Je lui ai dit que je le remerciais pour son honneteté et qu'à mon tour j'allais être aussi honnête. Je lui ai affirmé que c'était très bien et que je n'en attendais pas moins, cela me ferait un dossier plus conséquent pour les prud'hommes. Il a alors mis sa tête et son nez à 2 cm de son dossier sur cette grande table ronde et n'a plus bougé.  FIN DE LA CONVERSATION ! J'étais diamétralement opposé à lui, à 3 mètres, j'étais moi aussi pétrifié. Au bout de 5 minutes (ce temps m'a semblé interminable et n'a peut-être duré que 1 minute), en tremblant d'émotion, j'ai rangé mes affaires et je suis parti sans un mot, la porte de sortie du bureau était dans mon dos. Sans aucune anticipation, je l'avais mis KO. J'avais quand même un avantage. Les syndicats nous avaient contacté dans la semaine qui suivait l'annonce du plan de licenciement et je savais que je serai soutenu et j'avais décidé de me défendre.

Je jubile encore aujourd'hui au souvenir de cette violente interruption unilatérale de communication.

Epilogue : j’ai été payé 2 mois double (le CDD + le CDI préavis de licenciement) ; j’ai été embauché par le PMU ; j’ai gagné mon procès aux prud’hommes.

Bruno

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